Gilles CHEZEAU
Artiste
J'aimerais être un poète à qui il n'y a plus rien à demander.
Mais je suis un jeune galérien encore empli à ras bord de doutes casses couilles.
Que vive la vie,
mais nique la vie.
Du même auteur :
Iphone X, suite logique d'une évolution
Gilles Chezeau
* Avant de lire, il est conseillé d'avoir lu l'article du même auteur :
Les réseaux sociaux à l'encontre de l'espace numérique
Apple a très récemment annoncé la sortie de l'Iphone X, téléphone présenté comme une révolution.
L'appareil est ainsi conçu: écran tactile occupant la totalité de la surface de l'appareil, absence de toute touche et clavier physique, et déverrouillage initial avec reconnaissance faciale.
En peu de mots: c'est le prolongement de l'expansion de l'écran, qui se fait par effet de négatif en cherchant surtout à supprimer l'importance de son cadre. L'Iphone X, de fait, se considère ouvert sur le monde, du moins plus que n'importe quel smartphone jusqu'ici. C'est un désir physique d'intégrer l'espace numérique dans l'espace réel, et d'ailleurs l'absence de touches est une conséquence directe de cette volonté. Carte blanche totale laissée à l'écran tactile et à sa volonté paradoxale d’aplatissement de l'image dans son expansion.
Plus que jamais, le rapport de l'usager à l'écran par le doigt est celui du peintre à la toile avec son pinceau. Car l'écran tactile se veut tableau vierge. L'espace rectangulaire est certes fermé, mais total, c'est à dire que chaque parcelle de la surface numérique est utilisable selon le bon gré de chacun. Les touches, elles, supposaient encore une sorte d'étrange supériorité de la machine, car elles demandaient à tout utilisateur de se soumettre à des propriétés visuelles indissociables de l'appareil. En d'autres mots, la technologie était encore incapable de s'effacer derrière la réalité qu'elle proposait car elle était encore visuellement perceptible. Mais désormais, elle tend à s'effacer dans l'illusion et veut faire croire qu'elle n'est plus qu'au service de l'utilisateur. Le dispositif de l'écran entièrement tactile est une liberté d'action potentielle. Comme un peintre, à qui rien n'empêche de mettre un coup de pinceau dans le recoin gauche de sa toile si il le souhaite; l'utilisateur de l'Iphone X peut toucher n'importe quel bout de son écran tout en étant en droit de se dire qu'il s'y passera quelque chose.
Quand à la reconnaissance faciale, c'est un contre-pied logique du système du nom de compte et du mot de passe, qui s’avérait obsolète. Si ce nouveau principe de déverrouillage renvoie implicitement au corps, c'est pour ne plus le désolidariser de la beauté que l'espace numérique lui permet de rêver. Ici, le visage de tous les jours peut enfin être assumé, et n'a plus besoin d'être relégué au second rang, lui qui obtient enfin un statut proche de la clé dorée des coffres forts. Le visage devient indispensable, précieux, chéri. Il n'a plus besoin de se cacher derrière des avatars. La beauté factice du rêve numérique se répand dans sa réalité d'utilisation, et le beau périssable des réseaux sociaux gagne en matière, en puissance et en durée.