DeYi Studio

 

DeYi Studio est un binôme formé de XIA Yilan et Paul DEVAUTOUR, opérant à Shanghai depuis 2008. Il travaille sur la notion de compatibilité,

comme renversement de la notion de spécificité, et explore les possibilités d'une pratique de l'art non exposé. Xia Yilan dirige DeYi Culture Consultants et Paul Devautour anime l'École offshore, programme de recherche post-diplôme de l'École Nationale Supérieure d'Art et de Design de Nancy en association avec plusieurs autres écoles.

 

Rainbow Table

Public Key - Apex Art 2002

 

Public Key, an encrypted art in a transparent society

 

La société transparente qui se prépare ne semble pas être celle dont avait rêvé la cybernétique ; une démocratie rationnelle où les protocoles de feed-back auraient assuré une régulation optimum de la conduite commune. En fait, avec le développement des technologies de l'information, ce ne sont pas les instances du pouvoir qui deviennent transparentes aux citoyens mais plutôt les citoyens qui deviennent transparents aux instances du pouvoir.

A la transparence que revendiquent les gouvernements (rien de ce que font les citoyens ne doit être ignoré des autorités), s'ajoute la transparence telle que la comprend l'informatique (un processus est transparent lorsqu'il s'exécute sans que l'utilisateur n'en prenne conscience). Le monde de l'art est aussi organisé selon cette réciprocité asymétrique. Les processus de légitimation échappent en grande partie aux artistes, et rien de ce que

les artistes font n'échappe au contrôle du système médiatique qui recycle instantanément en divertissement toutes les tentatives de subversion.

 

Dans un tel contexte il est de plus en plus douteux qu'une démarche critique soit viable sous la forme d'une exposition. Dans une société transparente les artistes devront imaginer des formes furtives et l'art devra être crypté.

 

La cryptographie est l'art de rendre un message inintelligible à ceux qui n'en sont pas les destinataires. En tant que pratique culturelle avancée l'art a toujours eu une dimension cryptée plus ou moins involontaire et plus ou moins avouée. Mais à une époque où l'art n'apparaît plus que comme une micro-culture parmi d'autres, les stratégies élitistes évoluent vers des stratégies communautaires. Le cryptage n'est plus un moyen d'exclure les concurrents, il devient une condition de survie face à la domination des productions de l'industrie mass-médiatique. Echappant à l'espace protégé de l'institution artistique au moment où celle-ci risque de perdre toute légitimité en s'adaptant toujours mieux aux exigences néo-libérales, l'art ne conserve sa spécificité qu'au prix d'un cryptage qui le rend compatible avec d'autres pratiques sociales sans lui faire perdre son autonomie.

 

En parlant d'oeuvres cryptées, on entend désigner des travaux artistiques non commerciaux, non médiatiques, non spectaculaires, non décoratifs, non institutionnels, qui prennent le risque de se situer résolument à l'extérieur de l'institution artistique et de ne pas revendiquer explicitement leur statut d'oeuvre.

 

M.W. 05/2002/NYC