LE SKIN DANS LE JEU VIDÉO
VICE NARCISSIQUE ET ÉCONOMIQUE
Alexandre GORIN
Wikipédia, lexique du jeux vidéo
«Skin : terme anglais, « peau ».
Les effets que donnent l'équipement ou l'habillage sur un personnage. Certains équipements peuvent alors être beaucoup plus recherchés en fonction de leurs qualités d'habillement.»
Un skin, c’est : Lux élémentaires dans League of legends avec ses forme différentes et changeantes en jeux ; Ysera en brillante et dorée dans Hearthstone ; un costume saharachien et panoplie Rolivan dans Dofus ; des armures et armes toujours plus extravagantes et des accessoires qui viennent rendre ton personnage BEAU.
Que ce soit online ou offline, la customisation d’un avatar vidéo-ludique est devenu un élément primordial. Un skin c’est juste pour le plaisir, ou même pour avoir l’impression de mieux jouer. Ce sont tout ces éléments mis en exergue par un marketting toujours plus redoutable des développeurs.
Le sentiment de plaisir apporté au joueur à travers son personnage est la racine du concept d’avatar : dans la plupart des cas, on incarne un personnage pour jouer. Ce personnage, cet avatar, sera la projection de nous dans le jeu. Et jusqu’à un certain point nous nous efforçerons de le rendre unique. Dans les jeux en ligne, cette personnalisation à outrance est devenu un buisness florissant qui ne cesse de croître.
Le plaisir caché d’être beau
Jouer tout seul ou a plusieurs pour acquérir le meilleur équipement est souvent un but en soit. Même si dans de rare cas, un skin va apporter quelques légers avantages (changement de hitbox, personnage plus sombre dans des lieux peu éclairés etc.), l’objectif est avant tout cosmétique. Progresser dans le jeux pour acquérir des éléments cosmétiques puis ensuite continuer à jouer avec son personnage devenu plus beau n’est plus une simple option mais une finalité qu’on pourrait qualifier de narcissique. On pourrait presque comparer ça à un joueur de tennis qui reçoit une nouvelle raquette flambante neuve, ses capacités n’en seront pas changées, mais il pourra avoir ce petit plus psychologique lié au plaisir, qui lui donnera l’impression de mieux jouer.
Nous nous attarderons dans ce papier à voir en quoi les skins sont devenus aussi important dans les jeux vidéo et quels types de dérives financières en découle.
Le cas Blizzard
Overwatch - Hearthstone - Starcraft - World of Warcraft - Heroes of the storm - Diablo
Activision Blizzard est une société américaine de développement et d’édition de jeux vidéos. Ils ont développé des jeux qui sont devenus, dans leur domaine, des classiques du genre.
Starcraft et Warcraft pour les RTS (jeux de stratégie en temps réel), World of Warcraft pour les MMO (jeux en ligne massivement multijoueur), Hearthstone pour les jeux de cartes à collectionner, Overwatch pour les FPS (jeux de tirs à la première personne), Diablo pour les hack’n’slash (jeux de destructions massives), Heroes of the Storm pour les MOBA (arène de bataille en ligne multijoueur).
Tout ces jeux ont eu un fort succès et regroupent à chaque fois des caractéristiques que seul Blizzard sait mettre en place. Une qualité de narration, de scénario et des possibilités cosmétiques aussi variées que personnalisables. Leurs modèles économiques sont multiples. Ils peuvent être basés sur un abonnement, un modèle free to play (où la progression du joueur peut être accélérée via une dépense d’argent) ou des jeux qui
ne rapportent aux développeurs qu’à travers l’achat compulsif de skins. Tous sont fort redoutables !
Des dérives parfois un peu violentes ont eu lieux. Notamment sur Diablo 3, jeu emblématique de la famille des hack’n’slash, le principal intérêt étant d’avoir le personnage le plus puissant et l’équipement s’approchant le plus de la perfection pour pouvoir progresser dans des niveaux de difficulté toujours plus élevés. Chaque ennemi ou coffre rencontré est susceptible de faire tomber un ou plusieurs objets, plus ou moins rare : c’est ce que l’on appelle le loot. Les développeurs choisirent peu après le lancement du jeu, d’installer un hôtel des ventes où les équipements, armes, cosmétiques et tout autre élément du jeu pouvaient être achetés avec de l’argent réel.
Dès lors, pour ceux en capacité de payer, la faculté de progresser facilement dans le jeu a totalement détruit le plaisir lié au loot (récupération d’objet sur les monstres) et fit fuir la communauté de joueur, obligeant Blizzard à supprimer l’hôtel des ventes.
Au final, c’est Blizzard qui se régalait. En effet, ils récupèraient un euro par transaction, puis 15% de la somme lors du virement Paypal.
Evidemment, vous n’êtes pas obligé de dépenser votre argent de cette manière, vous pouvez le dépenser dans des produits Blizzard directement sur leur boutique, ou acheter d’autres objets et d’autres skin pour chacun de leurs jeux. Chaque jeu comportant son lot alléchant de produits cosmétiques. Le système est hallucinant. Blizzard ne peux absolument rien faire d’autre que de gagner de l’argent. Beaucoup d’argent.
Counter Strike GO
Il fallait se douter qu’un beau jour les développeurs du FPS le plus joué au monde tenteraient de rentabiliser a fond ce marché qui s’offrait à eux. Le jeu étant vendu à un prix raisonnable et bien plus que raisonnable lors des soldes.
Valve, éditeur emblématique de ce jeu, a donc créé son marché. Un marché dans lequel vous pourrez trouver des caisses, des skins d’armes, des clés que vous devrez bien sûr acheter avec votre compte STEAM. STEAM est une Steam est une plateforme de distribution de contenu en ligne, de gestion des droits et de communication développée par Valve. C’est une place majeur de l’achat de jeux dématérialisés.
Mais comment tout ceci fonctionne ? En fait, durant vos parties vous pourrez dropper (récupérer) en fin de match de manière totalement aléatoire soit un skin d’arme, soit une caisse renfermant un skin d’arme. Que renferme cette caisse close? Il vous faut une clé et c’est là que cela devient « intéressant ». Vous ne pourrez pas trouver de clés ailleurs que dans le dit marché. Alors vous me direz, bof pour un skin d’arme… Mais là où cela devient plus vicieux, c’est que votre skin d’arme se vend sur ce marché contre du véritable argent. Enfin, quand je dis véritable, je devrais dire uniquement utilisable sur STEAM. C’est alors qu’après quelques ventes, vous pourrez vous acheter un nouveau jeu. C’est beau, cela sonne bien, la machine est lancé et tourne a plein régime.
Un couteau virtuel du jeu Counter Strike,
Karambit, a été vendu pour 30.000$
Karambit Case Hardened : 55,000$
Les commerciaux de Valve sont au top. Depuis le début de l’opération, une dizaine de caisses ont agrandit les collections de skins d’armes disponibles. Avec cette multiplication, le prix des clés a lui aussi augmenté. C’est ainsi que les clés sont passés de 0,99€ a presque 2,50€ aujourd’hui. Une augmentation de plus de 100% en l’espace de quelques mois.
Cela ne s’arrête pas là. Lorsque vous aurez acheté une sacro-sainte clé, vous accéderez enfin à la possibilité d’ouvrir une caisse que vous aurez soit dropée, soit achetée ajoutant dans ce cas ci une dépense supplémentaire. Si nous parlons d’une personne lambda qui aurait acheté une nouvelle caisse du moment à 3€ et une clé a 2, 15€, la voilà déjà à 5,15€ de dépenses. A cet instant il lance l’ouverture de la caisse qui laisse apparaître une roulette de skin d’arme qui finira par s’arrêter. Vous voilà propriétaire d’un nouveau skin que vous pourrez revendre 0,03€ sur le marché. En plus, Valve prendra allègrement un pourcentage sur cette vente. Le pourcentage de chance de rentrer dans vos frais est de 0,01%. Tout est fait pour que vous dépensiez plus d’argent que vous n’en récupérez.
Site de pari en ligne CSGO avec une ROULETTE
Quasiment tous les développeurs importants se sont mis au développement de caisses ou paquets de cosmétique, et des géants comme Riot Games, avec League of Legends, ont dû adapter leur système d’obtention de skin au nouveau marché.
Là où avant, l’achat de skin se faisait directement avec sa carte bleue, il est désormais possible de trouver des coffres et des fragements de clef en fin de partie qui permettent de trouver de nouveaux skins, débloquables temporairement ou définitivement moyennant finance. L’attrait est plus redoutable, la dépense d’argent plus insidieuse.
Exemples de Skins
Ici, Hécarim, personnage de League of Legends. Un changement cosmétique du personnage n’influe en rien sur ses capacités. Et pourtant qu’il est agréable de jouer avec plutôt que sans...
FREEMIUM : L’argent facile
Le jeu vidéo sur téléphone portable est rapidement devenu une niche pour se faire beaucoup d’argent. Le freemium : free + premium.
Ce modèle économique permet à l’utilisateur de ne pas se priver du plaisir de jouer à son jeu favori, mais s’il veut aller plus loin et surtout plus vite, il devra investir de l’argent pour gagner en compétence ou en ressource plus rapidement.
Partant à la base d’un modèle se réclamant gratuit, le plaisir de jouer est vite bridé par le devoir de payer. Ces fameuses gemmes qui, dans la plus part des jeux mobiles, sont la monnaie d’échange entre un service et de l’argent réel, deviennent vite indispensable pour les plus impatients. Si on ajoute à cela une communication féroce et des promotions alléchantes (évènement pour Noël, Halloween...) justifiant la sortie de nouveaux contenus, pour la plupart cosmétiques : vous avez tous les ingrédients pour une emprise totale sur le joueur.
L’OPENNING
Phénomène très florissant sur internet et en particulier sur Youtube, l’openning, ou ouverture, est le principe d’ouvrir, un nombre déterminé de paquets de carte (à collectionner, à jouer, à échanger...), de caisses cosmétiques, ou d’autres formes d’objets, où l’aléatoire de l’ouverture devient le but en soit. L’idée est de faire partager aux gens ce petit plaisir éléctrisant d’avoir une carte dorée, une arme rare ou tout autre objet à l’allure atypique et peu courante.
Le filon était tout trouvé. Des youtubeurs n’étant même plus forcément joueur, lancent leur petite entreprise.
La notion de jeu dans le jeu est très présente. Quoi de plus flagrant comme preuve que les stream en live via Twich par exemple. Des milliers de joueurs proposent en vidéo l’ouverture de dizaines, de centaines de caisses ou paquets de cartes suivis par des milliers d’internautes qui eux-mêmes font des dons pour voir encore plus d’ouvertures de caisses.
Qu’est-ce qui explique un tel engouement ? Pourquoi regarder une tierce personne ouvrir des caisses et récupérer des skins d’armes qui ne vous appartiendront jamais ? Comme quand vous vibrez devant une série ou un match de football, les spectateurs sont tenus en haleine et attendent de voir les streamers dégoter les skins les plus rares et surtout voir leur réaction à l’obtention de ceux là.
David Lafarge Pokémon est un bel exemple du Youtubeur ayant compris la facilité de se faire beaucoup d’abonnés et d’argent, sans même connaître les règles du jeux des cartes qu’il découvre et parfois même sans connaître les cartes elles-mêmes. On pourra d’ailleurs trouver cocasse le nombre de vidéo titré sur sa chaîne «meilleur ouverture de ma vie», quand on observe la récurrence des ces vidéo apparaissant tout les mois.
A travers des réactions toujours plus exagérées, des mises en scènes de la surprise et de la bonne humeur toujours plus excentrique («Bonjour à touuuusssss mes amiisssss»...) il rameute un très jeune public n’ayant pas les moyens d’ouvrir autant de paquet. Et grâce à l’argent des cartes rares qu’il découvre (une carte «Phantom GX» coûte entre 50 et 80€ en moyenne) et la monétisation brutale des ses vidéos, il peut racheter des paquets en grande quantité et refaire des vidéos et ainsi de suite sans dépenser un seul denier.
En bref...
• un marché vidéo-ludique qui ne connait pas ou peu la crise que connaissent les autres acteur culturels
• des skins, à l’origine de petits éléments cosmétiques n’ayant pas pour but d’influencer le jeu en soit, mais seulement de modifier l’apparence de l’avatar du joueur
• les développeurs ayant vite répéré l’attrait des joueurs pour ces skins
• une mise en place du «jeu dans le jeu» avec ouverture de coffres, caisses, paquets de cartes
• les mécaniques des jeux de hasard, où parfois l’argent réel viens s’imiscer pour attirer encore plus le consommateur
• des streameurs et youtubeurs qui profitent de ce plaisir du hasard, pour gagner de l’argent facilement en ouvrant ces éléments cosmétiques
C’est là qu’à mon sens on peut observer une dérive. Lorsque des éditeurs comme Valve ou Blizzard, qui produisent des jeux de qualité, mais qui parviennent, au moyen de micro-transactions internes à leur jeu, à taper dans le coeur des gamers et à les faire sortir leurs cartes bleues pour dépenser toujours plus d’argent.
Il est à parier que le phénomène ira en grandissant si les communautés respectives ne réagissent pas pour mettre le holà comme elles ont pu le faire par le passé.
Alexandre GORIN